Un passé colonial au centre de Bruxelles
Samedi 6 février 2021 —
Juste à côté de la colonne du Congrès, au cœur de Bruxelles, vous trouverez le Leverhouse. Sur votre droite, vous avez une belle vue sur la vieille ville. À l'extérieur, malheureusement, c'est encore un autre bâtiment de notre capitale dont la peinture s'écaille en raison du mauvais temps belge.
Ce que vous ne voyez pas de l'extérieur, c'est la riche histoire que ce bâtiment représente, au sens propre et au sens figuré. Avec de fortes références à son passé colonial, le Leverhouse est indéniablement l'héritage essentiel de Bruxelles. C'est pourquoi la Région bruxelloise, à l'initiative de Pascal Smet, secrétaire d'État au Patrimoine et à l'Urbanisme, a protégé l'intérieur du bâtiment.
Histoire
L'actuel Leverhouse a été construit à l'origine comme un hôtel au milieu du XIXe siècle par l'architecte Jean-Pierre Cluysenaar (également connu pour les Galeries Saint-Hubert à Bruxelles). En 1919, la Banque Transatlantique Belgique a emménagé dans ce majestueux bâtiment. Deux ans plus tard, ce sont les frères britanniques William et James Lever qui s'installent dans l'ancien hôtel jusqu'en 1950.
L'État belge avait accordé aux frères Lever une concession pour l'exploitation des forêts de palmiers à huile de l'ancienne colonie belge du Congo. Ils étaient les seuls étrangers autorisés à le faire. Ils employaient des milliers de travailleurs dans leurs différentes usines à travers le Congo. Pour ne pas dire plus, ces travailleurs n'étaient pas très bien traités. Il existe des cas documentés de viols, de meurtres et de déplacements. Lever Brothers fait maintenant partie de la multinationale Unilever (également connue pour des marques telles que Dove, Zwitsal et Signal). À cette époque, Lever Brothers était l'une des rares entreprises à fabriquer du savon à partir d'huile de palme végétale et a ainsi réussi à amasser une fortune.
Intérieur colonial
Le hall d'entrée de la Leverhouse est entièrement en marbre, à l'instar du Musée de l'Afrique à Tervuren (anciennement connu sous le nom de musée colonial). De chaque côté du hall, deux grandes statues en bronze de Congolais témoignent de la vision coloniale de l'époque. Elles dépeignent les conditions difficiles dans lesquelles le peuple congolais était exploité par les compagnies pétrolières telles que Lever Brothers. Ce qui est également frappant, ce sont les salles qui ont servi de cinéma et de musée dans la Leverhouse. À l'époque, le bâtiment était plutôt une vitrine pour les activités commerciales florissantes et la propagande de l'idée coloniale.
Depuis les années 1970, les étudiants de l'ISIB, l'Institut Supérieur Industriel de Bruxelles, suivent des cours au Leverhouse. L'espace a été mis à disposition par le propriétaire actuel, la Fédération Wallonie-Bruxelles. En 2024, l'école déménagera dans de nouveaux locaux.
Que faire maintenant ?
Le secrétaire d'État Pascal Smet voit dans le bâtiment un lieu de référence pour un musée de la décolonisation. Un lieu où plusieurs pièces du patrimoine ayant un passé colonial peuvent être exposées. La décolonisation de l'esprit est tout aussi importante que celle de notre patrimoine. Les Bruxellois.es sont entouré.e.s de cette histoire et devraient avoir la possibilité de connaître l'origine de cette splendeur. En la protégeant, nous sommes sûrs qu'à l'avenir, ce passé sera aussi connu du grand public.